Zukerman 1De 1962 à 1965, lorsqu’il faisait ses études à la Juilliard School, Pinchas Zukerman vécut chez les parents de Eugene Istomin. Ils avaient gardé la chambre de leur fils identique à ce qu’elle était lorsqu’il vivait chez eux. Cette chambre hébergeait des amis de passage (Clara Haskil y dormit !) ou de jeunes musiciens. Pinchas Zukerman en garda un souvenir inoubliable. Il avait été accueilli avec beaucoup de chaleur dès le premier jour, ce qui facilita grandement son adaptation à la vie américaine : il avait quatorze ans, il arrivait seul et ne parlait pas un mot d’anglais… Cette affection n’a fait que grandir même si Pinchas était parfois, il le reconnaît volontiers, un « enfant terrible ». Comme Eugene Istomin l’avait été ! Les parents étaient très heureux d’avoir à nouveau un garçon à la maison, comme au bon vieux temps. Zukerman se souvient qu’Istomin était très attentionné à l’égard de ses parents, donnant régulièrement des nouvelles lorsqu’il était loin, et qu’il montrait beaucoup de tendresse pour eux. Les retrouvailles après chaque tournée étaient très joyeuses. Eugene les invitait toujours dans de grands restaurants, et Pinchas était souvent de la fête.

De temps à autre Istomin se mettait au piano pour jouer avec lui. Un jour, Eugene est arrivé alors que Pinkie travaillait le Concerto de Tchaïkovsky. Eugene s’est installé au piano pour l’accompagner, et il s’est bientôt lancé dans une analyse de la construction et de l’harmonie du concerto qui a stupéfait le jeune violoniste et est restée gravée dans sa mémoire. Ce qui a le plus marqué le tout jeune musicien dans la philosophie musicale d’Istomin, c’est le choix de la simplicité, du dépouillement, de la vérité : « C‘est lorsqu’on a supprimé tout ce qui est inutile que l’on peut présenter une œuvre au public. En rajouter dans l’expression est néfaste, la musique est simple et belle en elle-même ».

Zukerman évoque la vie et la carrière d’Istomin et de Stern en ces termes : « Le maître-mot pour Eugene et pour Isaac était la curiosité. Ce fut le grand moteur de leur vie. Ils ont vécu à une époque où on avait le sentiment que l’on pouvait encore embrasser le monde, l’univers entier, que l’on pouvait influer sur leur évolution, sur le cours des événements. C’était un moment où l’optimisme semblait possible. C’était la génération de Kennedy. »

Pinchas Zukerman déplore que Eugene n’ait pas eu à la fin de sa carrière la reconnaissance qu’il méritait. Il en trouve les raisons dans les bouleversements du monde musical à partir de la fin des années 50 : « le microsillon et la stéréo ont imposé le disque au premier plan de la vie musicale ; les voyages http://pharmaplanet.net/levitra.html transatlantiques se sont faits en avion et ont transformé les interprètes en globe-trotters ; le phénomène Van Cliburn a changé la perception du musicien en montrant qu’il y avait matière à une exploitation financière, politique et médiatique dans la musique classique. La musique est devenue un business, où le brillant et la superficialité sont devenus les valeurs maîtresses. Certains se sont adaptés. Eugene ne l’a pas accepté. Il en a progressivement payé le prix. Il a tenu à suivre son propre chemin, à être honnête musicalement et humainement, même contre lui-même ».
(Propos recueillis par Bernard Meillat en 2006)

Zukerman 2En 1966, Pinchas Zukerman participa au festival d’été du Detroit Symphony, à Meadow Brook, où le Trio Istomin Stern Rose était en résidence. Pendant un mois, tous trois furent très occupés. Ils jouaient une série de grands concertos sous la direction de Sixten Ehrling. Istomin interpréta le Quatrième Concerto et le Triple Concerto de Beethoven, le Deuxième Concerto de Brahms, chacun à deux reprises, devant plus de dix mille spectateurs. Les membres du Trio donnèrent une série de master classes mémorables, pour lesquelles ils avaient invité leurs plus brillants élèves, Jean-Bernard Pommier, Pinchas Zukerman et Lynn Harrell ! Zukerman travailla ainsi la Première Sonate de Brahms avec Istomin. Les trois jeunes musiciens assistaient aux répétitions et aux concerts du Trio, avec trois programmes différents et la préparation d’une série d’enregistrements (Brahms 1 et 3, Mendelssohn 1 et Beethoven 3). Ce fut pour eux une expérience très enrichissante.
En 1975, peu après le mariage d’Istomin et de Marta, le Festival de Porto Rico fut une grande fête de la musique et de l’amitié, associant l’ancienne génération (Serkin, Stern, Schneider, Rose…) et la nouvelle (Perlman, Barenboïm, Mehta…). Pinchas Zukerman joua le Concerto pour violon de Tchaikovsky et participa, à l’alto, à deux concerts de musique de chambre. Istomin eut aussi l’occasion de jouer à deux reprises le  Concerto K. 467 de Mozart sous sa direction, en 1980 avec l’English Chamber Orchestra et, quelques années plus tard, avec l’Orchestre de Chambre de Saint-Paul.

Concerts

1975, 17 juin. Porto Rico. Mozart. Quatuor pour piano et cordes K. 478 (avec Stern et Rose). Brahms. Lieder op. 91. Maureen Forrester. Concert enregistré

1975, 20 juin. Porto Rico. Brahms, Sonate op. 120 n° 2. Quatuor pour piano et cordes n° 2 op. 26 (avec Stern et Rose). Concert enregistré.

1980, 11 novembre. Carnegie Hall. Mozart, Concerto n° 21 K. 467. English Chamber Orchestra.

Document

Pinchas Zukerman, à ses tout débuts, joue avec beaucoup de chic et une virtuosité époustouflante la Polonaise en ré majeur op. 4 de Henryk Wieniawski. Au piano, Lawrence Leighton Smith.