Antal Dorati

Antal Dorati était un des rares chefs de l’ancienne génération qui était arrivé en Amérique lors de l’avènement du nazisme et qui était encore en poste au milieu des années 70. Il avait des relations privilégiées avec Istomin. Ils s’étaient connus lorsque Dorati occupait son premier poste de directeur musical, à Dallas, à la fin des années 40. Dorati l’avait à nouveau invité à Minneapolis dans les années 50 puis à Washington où il avait pris la tête du National Symphony en 1970.

Leur amitié sortit grandie de l’épreuve qu’ils partagèrent en avril 1975. Dorati se préparait à diriger une série de concerts dont Istomin devait être le soliste. C’est alors que Dorati apprit par la presse que, contrairement aux engagements pris, son contrat ne serait pas renouvelé. L’Amérique voulait accueillir dignement Mstislav Rostropovitch, chassé d’Union Soviétique, et lui avait proposé de prendre la succession de Dorati à la tête du National Symphony. L’affection que lui témoigna Istomin, et les conseils qu’il lui prodigua, aidèrent Dorati à surmonter sa profonde colère, et à se lancer tout de suite dans d’autres projets. Leur Quatrième Concerto de Beethoven fut particulièrement émouvant et chargé d’électricité. Quelques jours plus tard Dorati lui écrivit : “Quelle gentillesse vous m’avez témoigné dans ce moment difficile de ma vie, quel véritable ami vous vous êtes montré ! » Rostropovitch n’était pour rien dans ce scénario désagréable et Istomin put contribuer à rapprocher les deux musiciens : Slava invita Dorati à diriger à nouveau le National Symphony et celui-ci accepta. Quelques années auparavant, en novembre 1971, Dorati avait su, lui aussi, trouver les mots qu’il fallait pour réconforter Istomin. Ils donnaient ensemble une série de concerts, lorsque le père d’Istomin mourut.

Antal Dorati dans les années 60

Antal Dorati dans les années 60

L’œuvre qu’ils jouèrent le plus souvent ensemble fut le Deuxième Concerto de Brahms, plus d’une dizaine de fois en tout, notamment avec les trois orchestres dont Dorati devint laureate conductor, le Detroit Symphony, le Royal Philharmonic et le Stockholm Philharmonic. Ils partageaient dans Brahms le même souci d’associer l’élan romantique avec la clarté de l’architecture classique et du contrepoint. Leurs discussions autour de la peinture et surtout de la philosophie (Dorati publia ses réflexions en 1987 sous le titre For Inner and Outer Peace) étaient particulièrement riches et passionnées. Leurs liens restèrent étroits jusqu’à la maladie et la mort de Dorati, en novembre 1988. Istomin était bouleversé après la dernière visite qu’il lui rendit dans sa maison proche de Berne, quelques semaines avant sa disparition.

Quelques concerts

1971, 9 & 11 novembre. Kennedy Center. Schumann, Concerto. National Symphony.

1971, 14 novembre. Avery Fischer Hall (New York). Schumann, Concerto. National Symphony.

1975, 15 & 17 avril. Kennedy Center. Beethoven, Concerto n° 4. National Symphony.

1975, 20 avril. Avery Fischer Hall (New York). Beethoven, Concerto n° 4. National Symphony.

1978, 25 & 26 avril. Kennedy Center. Beethoven, Concerto n° 5. National Symphony.

1980, 18, 20 & 23 avril. Ford Auditorium. Brahms, Concerto n° 2. Detroit Symphony.

1980, 1er juillet. Royal Festival Hall. Brahms, Concerto n° 2. Royal Philharmonic Orchestra.

Concerts à Dallas, à Minneapolis et à Stockholm : pas d’informations disponibles.

Document

Il n’y a aucun document audio-visuel accessible actuellement pour faire revivre les collaborations entre Dorati et Istomin.

Voici un document émouvant, l’ultime grand projet d’Antal Dorati, une tournée effectuée en 1988, l’année même de sa disparition, avec un orchestre constituée de musiciens de nombreux pays européens, le Chœur de l’Université du Maryland et quatre chanteurs venus de Suisse (Barbara Martig-Tüller, soprano), de RDA (Rosemarie Lang, alto), des Etats-Unis (William Cochran, ténor) et d’URSS (Mikhaïl Krutikov, basse). Dorati dirigea quatre fois la Missa Solemnis de Beethoven, à Berlin, Dresde, Moscou et Londres, pour apporter un message de paix et mettre en garde contre les dangers d’une guerre nucléaire.

Ci-dessous, l’Agnus Dei tel qu’il fut filmé au Semper Oper de Dresde, puis un bref extrait du Gloria, suivi d’une interview d’Antal Dorati (en allemand)