toscanini3

Toscanini resta pour Istomin une référence essentielle tout au long de sa vie. Les seuls disques qu’il écoutait régulièrement étaient ceux de Casals, de Heifetz et de Toscanini. Il avait eu l’occasion de voir Toscanini diriger à New York, notamment le 23 février 1936, lorsque le Maestro, qui n’acceptait que rarement de diriger des œuvres concertantes, avait fait à Serkin le grand honneur de l’inviter à jouer le Concerto K. 595 de Mozart et le Quatrième de Beethoven dans le même concert.

Mais c’est à Philadelphie qu’Istomin vécut ses expériences les plus fortes, lors de la saison 1941-42, lorsque Toscanini, en froid avec l’administration de l’Orchestre de la NBC, vint donner une série de concerts à la tête de l’Orchestre de Philadelphie. Les élèves du Curtis bénéficiaient toujours d’invitations, et Istomin put entendre Toscanini diriger notamment la Neuvième de Schubert (une interprétation restée légendaire), Mort et transfiguration de Richard Strauss, la Symphonie Pathétique de Tchaïkovsky la musique de scène de Mendelssohn pour Le Songe d’une nuit d’été, Iberia et La Mer de Debussy, le Scherzo de la Reine Mab de Berlioz… Il eut même la chance de pouvoir assister, en février 1942, à la répétition de La Mer. Istomin fut stupéfait par la rudesse et l’exigence de Toscanini avec les musiciens de l’Orchestre de Philadelphie, qui était réputé être le meilleur du monde. Aucun autre chef ne s’adressait à eux comme ça ! Cependant l’orchestre était très enthousiaste, et Toscanini heureux et plein d’énergie. Il demanda au pupitre de violoncelles de répéter très longuement une phrase jusqu’à ce que les musiciens soient épuisés et que lui soit satisfait ! La Mer était une des grandes spécialités de Toscanini, avec une flexibilité des tempos, une palette de couleurs, une richesse de dynamique, une subtilité uniques. Au concert, l’interprétation fut une des plus belles réussites de Toscanini, d’une virtuosité époustouflante, avec un final d’une grande férocité, évoquant irrésistiblement le pouvoir destructeur de la nature. Istomin en garda un souvenir inoubliable et cela éveilla son amour pour Debussy.
Toscanini 5La principale leçon qu’Istomin avait retenue de Toscanini, c’était que l’émotion naissait de l’exactitude et de la clarté, d’un sens exacerbé de la pulsation rythmique et du contrôle de la dynamique, qu’il n’y avait nul besoin de séduction gratuite, de maniérisme ou de sentimentalisme. Par ailleurs, Toscanini achevait de le convaincre que la virtuosité était un moyen indispensable, et que la perfection était le seul objectif, quoiqu’il en coûte en termes de travail et d’inquiétude. Lorsqu’il en parla avec Casals, Istomin fut très heureux que Casals partage son admiration pour le musicien et pour l’homme, qui s’était élevé contre Mussolini et Hitler.

Document

Toscanini dirige Verdi, Ouverture de La Force du destin.