Krips au piano (1954)

Dans une interview au Los Angeles Times en 1970, juste avant un concert au Hollywood Bowl sous la direction de Krips, Istomin déclarait : “ Je crois que je suis vraiment un musicien à l’ancienne mode. C’est pourquoi je me réjouis, à la fois professionnellement et personnellement, de travailler avec Josef Krips sur le Concerto de Schumann. Je trouve la collaboration avec Krips très gratifiante parce que ses goûts musicaux et son style d’interprétation, sans faire de manières, sont à la mode ancienne, de la même façon que moi.»

Le compte-rendu du concert dans ce même journal, signé Albert Goldberg (un critique réputé très difficile, et souvent méchant), confirme ce sentiment : « Il n’est pas un pianiste du genre flamboyant ; il est plutôt de nature contemplative, un musicien, et il a des convictions bien arrêtées sur ce concerto. Jamais depuis Paderewski, on ne l’a entendu jouer d’une manière aussi intime. C’était comme un retour nostalgique à l’approche du Dix-neuvième siècle, romantique et doux, avec une aura assurément schumannienne… »

krips 1Ce concert avec l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles à l’Hollywood Bowl fut le dernier qu’Istomin donna sous la direction de Josef Krips. Lassé de l’Amérique et pris de nostalgie pour sa Vienne natale, Krips venait d’abandonner la direction de l’Orchestre de San Francisco pour celle de l’Orchestre Symphonique de Vienne. Il ne la conserva que trois ans, frappé par la maladie qui allait l’emporter en 1974. Avant sa mort, il eut juste le temps d’enregistrer les vingt dernières symphonies de Mozart, une version qui reste encore aujourd’hui une référence. Krips avait bien tenté d’inviter Eugene, mais celui-ci ne se sentait pas encore prêt à jouer en Autriche. Leur seule collaboration hors des Etats-Unis fut avec l’Orchestre Philharmonique d’Israël, en 1967, lorsque Krips dirigea l’intégrale de la musique symphonique de Brahms.

Josef Krips, qui pouvait être très autoritaire avec les musiciens d’orchestre, était en revanche d’une courtoisie et d’une écoute remarquables pour ses solistes. Gary Graffman, grand ami d’Istomin, raconte dans son livre de souvenirs I Really Should Be Practicing : “Il aimait s’assurer que l’orchestre ne couvre pas le soliste et il avait l’habitude de crier en répétition ‘Disparaissez ! Evanouissez-vous ! Evaporez-vous !’, tandis qu’il fléchissait ses genoux et se recroquevillait, se faisant de plus en plus petit, au point que je craignais qu’il ne finisse par disparaître dans un petit nuage de fumée…»

Quelques concerts

1954, 6 et 7 avril. Auditorium du Plateau. Chopin, Concerto n° 2. Orchestre Symphonique de Montréal.

1958, 22 et 23 janvier. Chandler Pavilion. Brahms, Concerto n° 2. Los Angeles Philharmonic.

1967, 22 juillet. Mann Auditorium, Tel Aviv. Brahms, Concerto n° 2. Orchestre Philharmonique d’Israël.

1970, 9 juillet. Hollywood Bowl. Schumann, Concerto. Los Angeles Philharmonic.

Concerts à San Francisco entre 1963 et 1970 : pas d’informations disponibles.

Aucun enregistrement des concerts donnés par Eugene Istomin et Josef Krips ne semble accessible aujourd’hui.

Document

Josef Krips dirige la Quatrième Symphonie de Schumann avec le London Symphony Orchstra. Londres, novembre 1952 (audio uniquement)