Le Trio Istomin-Stern-Rose, qui se voulait l’héritier de Cortot-Thibaud-Casals aura finalement battu de justesse leur record de longévité : 28 années au lieu de 27 ! Encore faut-il remarquer que dans les trois dernières années de leur activité, Istomin, Stern et Rose ne se sont produits que lors de concerts d’hommage. En revanche, ils ont largement devancé leurs glorieux aînés pour le nombre de concerts (plus de deux cents au lieu d’environ cent-soixante) et de trios enregistrés (dix-neuf contre six). Bien sûr, certains ensembles permanents, comme le Beaux-Arts Trio ou le Trio de Trieste, ont duré beaucoup plus longtemps, avec des changements d’effectif, et ont donné davantage de concerts. Mais la perspective est complètement différente, car la démarche des trios Cortot-Thibaud-Casals et Istomin-Stern-Rose part du principe que les œuvres de musique de chambre des grands compositeurs ont la même ambition, la même valeur que leurs symphonies, leurs concertos ou leurs œuvres pour piano seul. Par conséquent, ces œuvres ont besoin de solistes de premier plan pour trouver leur vraie dimension.

Or, l’histoire le prouve, il est très difficile à trois musiciens à la personnalité très affirmée, habitués à décider seuls de leurs choix d’interprétation, de se réunir durablement pour explorer le riche répertoire du trio avec piano. C’est une aventure musicale et humaine passionnante ! La voici, articulée en quatre périodes, et accompagnée d’une évocation de la difficulté de former un trio…

Pour beaucoup, Istomin fut l’âme et le moteur du Trio Istomin-Stern-Rose. Il était aussi, par ses relations privilégiées avec Casals, Serkin et Busch, le lien vivant avec les deux plus grands trios de la première moitié du vingtième siècle. Voilà comment il tente d’expliquer le miracle de leur réussite : « Je dois dire que nous avons beaucoup ri, que nous nous sommes chamaillés et querellés pas mal de fois, une ou deux fois très sérieusement, mais notre idéal musical n’a jamais vacillé, non plus que notre capacité à atteindre la plus intime des communications que des musiciens puissent avoir ensemble. Quand nous nous retrouvions après avoir rempli nos engagements comme solistes, il suffisait de quelques mesures pour rallumer l’étincelle. C’est quelque chose qu’on ne peut ni apprendre, ni obtenir par des répétitions ! »

Aujourd’hui, les interprétations du Trio restent de grandes références aux côtés de Cortot-Thibaud-Casals et de quelques réussites isolées plus récentes. Les enregistrements réalisés par Columbia entre 1964 et 1979 ont été régulièrement réédités par Sony. Plus récemment, EMI a publié dans la série Classic Archives l’intégrale des Trios de Beethoven puis des Trios de Brahms, filmés par la Télévision française en 1970 et 1974. Ce sont des documents peut-être encore plus précieux car réalisés d’une seule traite, dans la tension des enregistrements télévisuels de cette époque, lorsqu’aucun montage n’était possible.

Leur répertoire discographique couvre exactement leur répertoire de concert, à l’exception du Trio de Ravel qu’ils avaient commencé à enregistrer, mais qu’ils abandonnèrent, insatisfaits, et du Trio K. 502 de Mozart dont la bande fut perdue. Il ne comprend que des compositeurs et des œuvres célèbres, à la fois parce c’était la mission première qu’ils s’étaient assignée (faire découvrir la musique de chambre à un large public en proposant des interprétations de haut-vol des grands chefs-d’œuvre), et parce qu’ils étaient trop pris par leurs carrières de solistes pour avoir le temps d’élargir régulièrement leur répertoire.

Discographie

Beethoven : intégrale des Trios, y compris les Variations op. 44 et op. 121a, et les œuvres sans numéro d’opus (WoO 38 et 39). [1965 à 1970] Brahms : intégrale des Trios [1964 et 1966] Haydn : Trio en mi bémol majeur Hob. XV:10 [1968] Mendelssohn : Trios n° 1 op. 49 et n° 2 op. 66 [1966 et 1979] Schubert : Trio en si bémol majeur D. 898 et Trio en mi bémol majeur D. 929

Vidéographie

1965 : Beethoven, Trio op. 1 n° 3. Brahms, Trio n° 2 op. 87. Télévision canadienne. DVD VAI 4337
1970 : Beethoven : Trios 1 à 7. Télévision française. Double DVD EMI Classic Archives
1974 : Brahms, Trios 1 à 3. Télévision française. DVD EMI Classic Archives

Enregistrements vidéos inédits

1963 Schubert, Trio en si bémol majeur. Télévision française.
1970 Beethoven, Trio op. 1 n° 2. BBC
1976 ( ?) Mozart, Trio K. 502 ; Mendelssohn, Trio n° 2 op. 66 (en concert). Vidéo.