Casals, Rose, Monteux, Istomin et Stern à Londres en 1962
Istomin eut peu souvent l’occasion de jouer sous la direction de Pierre Monteux. Son répertoire était assez proche de celui de Leon Fleisher, et Monteux avait beaucoup d’estime et d’affection pour Fleisher, si bien qu’il l’invitait de façon presque exclusive pour les concertos de Brahms et de Beethoven. Les quelques concerts qu’Istomin donna avec Monteux furent néanmoins des moments très heureux. Ils avaient la même conception du Concerto de Schumann, le même souci de traduire sa dimension poétique en conservant une transparence mozartienne.
Istomin raconta, dans une interview à Myriam Soumagnac, un autre moment privilégié qu’il avait passé en compagnie de Pierre Monteux, en 1963 : « Le Trio était à Londres pour des concerts. Stern et Rose devaient aussi jouer le Double Concerto de Brahms avec Monteux et le London Symphony Orchestra. Or Casals était également à Londres pour y diriger son oratorio El Pessebre, qu’il présentait partout dans le monde, en une grande croisade pour la paix et contre la prolifération des armes nucléaires. Casals et Monteux avaient pratiquement le même âge et s’étaient connus bien avant la Première Guerre Mondiale. Ils avaient été de très proches amis mais ne s’étaient pas revus depuis près de trente ans. Stern et moi, nous avons eu l’idée de les réunir pour un dîner surprise, où aucun ne savait que l’autre serait présent. Les retrouvailles furent très joyeuses, avec une foule de souvenirs échangés, d’anecdotes amusantes. A un moment, j’ai demandé à Monteux de raconter sa découverte du Sacre du printemps. Et voilà ce qu’il nous a dit : « Eh bien ! Nous étions au Casino à Monte-Carlo, Stravinsky m’a fait venir, il s’est installé à un piano droit et il m’a joué sa partition. Quand il eut fini, je lui ai dit : « Mais Igor, tu es complètement fou ! Ce n’est pas possible, cette musique ! » Et il m’a répondu : « Tu verras, tu feras ta carrière avec ça ! ». Et là Monteux se tourne vers Casals et lui dit en anglais : « I still hate it ! (Je le déteste encore) ».
Istomin joua également avec plusieurs des disciples de Monteux, qui avaient suivi son enseignement à Hancock : son fils Claude Monteux, David Zinman, Werner Tornakowsky, Angel Brushilow, Leon Fleisher…
Quelques concerts
1957, 10 décembre. Montréal. Schumann, Concerto. Orchestre Symphonique de Montréal.
1961, août. Tanglewood. Schumann, Concerto. Boston Symphony Orchestra.
Document
Monteux, à la tête du London Symphony Orchestra, dirige L’Apprenti sorcier de Paul Dukas. Filmé en 1961.