Paray 02 En 1987, dans une interview avec Bernard Meillat, Istomin raconta sa rencontre et son amitié avec Paul Paray :
« Avant la guerre, Paul Paray avait été l’ami sentimental d’une grande cantatrice russe, Nadia Koshetz, qui s’était réfugiée en France après la Révolution et qui émigra ensuite aux Etats-Unis. Paul Paray s’était marié en 1942 avec Yolande, une juive alsacienne, ce qui était un acte très courageux à cette époque. Il avait démissionné des Concerts Colonne puis de l’Orchestre de la Radio parce qu’il avait refusé de se séparer des musiciens juifs. La guerre terminée, Paray avait repris la direction des Concerts Colonne et il avait fait du guest conducting aux Etats-Unis, notamment à Cincinnati et à Pittsburgh. Son ancienne amie Nadia Koshetz faisait partie du même cercle d’émigrés russes que mes parents. J’étais déjà un jeune pianiste en train de commencer une brillante carrière et Nadia parlait souvent de Paul Paray : ‘Oui, nous étions des amants dans le temps, Paul Paray est un grand chef et une grande personne, un grand Monsieur. Il faut absolument que Eugene joue pour lui’.

Malgré leur aventure passée et leur mariage chacun de leur côté, Nadia Koshetz et Paul Paray étaient restés, les deux couples sont restés, amis pour la vie. Moi, je ne connaissais pas même le nom de Paul Paray, car il n’était pas encore bien connu en Amérique à cette époque-là. Et Nadia Koshetz a arrangé que je lui rende visite en 1946 à Cincinnati. J’avais vingt ans. Je suis allé à son hôtel, et je lui ai joué la petite Sonate en la majeur de Schubert. Il était vraiment très impressionné, très enthousiaste. Il m’a dit : ‘Il faut absolument que vous jouiez avec moi. Je vais vous inviter, je ne sais pas quand mais je veux vous inviter !’ Il n’avait pas d’orchestre à lui à ce moment-là en Amérique, si bien qu’il n’a pu tenir sa promesse qu’en février 1950 avec l’Orchestre de Pittsburgh. Et puis il m’a fait venir en France au printemps 1950, pour jouer le Quatrième Concerto de Beethoven avec l’Orchestre Colonne au Châtelet, à Lyon, à Marseille, et à Vichy. Et, ce que je n’ai pas su à l’époque, il m’a payé sur son cachet. Il a déduit de son cachet de quoi me payer car les sociétés de concert n’avaient pas d’argent pour un jeune pianiste américain complètement inconnu.  Il m’a présenté à Marcel de Valmalète, le plus grand impresario en France. Ce n’est pas Prades qui m’a ouvert les portes de la France, c’est Paul Paray. Et nous sommes restés des amis fidèles pour le reste de nos jours. J’aimais beaucoup Yolande également. J’ai énormément de souvenirs d’amitié et de concerts, en Amérique et en France. Je crois que la dernière fois c’était avec Lamoureux, à Pleyel. Avec le Trio nous avions joué trois concertos : Beethoven 4, Brahms Double, Beethoven Triple. Paray était très lié aussi à Stern et à Rose. C’était non seulement un grand musicien, scandaleusement peu reconnu par la France, mais aussi une grande personne. »

Paray 03Au début des années 90, Eduard Perrone, un prêtre passionné par Paul Paray, prit contact avec Eugene Istomin pour lui demander de l’aider à faire revivre les œuvres de ce grand musicien. Paray n’avait pas été seulement un chef d’orchestre génial mais aussi un compositeur de talent. Lorsqu’Istomin découvrit la partition de sa Fantaisie pour piano et orchestre, il fut séduit par cette page de jeunesse, pleine de fraîcheur et de poésie, qui José Iturbi avait créée à Paris et en Amérique. Istomin demanda longtemps, en vain, à l’Orchestre Symphonique de Detroit de rendre hommage à son ancien directeur musical en la programmant. Il finit par décider de l’enregistrer lui-même, avec l’Orchestre Symphonique de Budapest sous la direction de Jean-Bernard Pommier, qui avait été naguère son élève, et qui était resté un ami très proche. Pommier en profita pour enregistrer également plusieurs autres partitions de Paray, dont la Symphonie Le Tréport, qui fut également publiée sur un CD privé.

Istomin, Paul et Yolande Paray, Vladimir Brailovsky et Pinchas Zukerman

Istomin, Paul et Yolande Paray, Vladimir Brailovsky et Pinchas Zukerman en 1962

Quelques concerts

1950, 17 & 19 février. Pittsburgh, Syriah Mosque. Beethoven, Concerto n° 4. Pittsburgh Symphony. Concert enregistré

1950, mai. Théâtre du Châtelet (Paris), Lyon, Vichy, Marseille. Beethoven, Concerto n° 4. Orchestre des Concerts Colonne.

1951, 22 novembre. Detroit, Masonic Temple. Mozart, Concerto n° 9 K. 271. Detroit Symphony.

1952, 1er et 3 février. Syriah Mosque. Chopin, Concerto n° 2. Pittsburgh Symphony.

1953, 10 décembre. Detroit, Masonic Temple. Chopin, Concerto n° 2. Detroit Symphony.

1957, 31 octobre. Detroit, Ford Auditorium. Brahms, Concerto n° 2. Detroit Symphony.

1962, 11 & 13 octobre. Detroit, Ford Auditorium. Tchaikovsky, Concerto n° 1. Detroit Symphony. Concert enregistré.

1962, octobre. Tournée. Tchaikovsky, Concerto n° 1. Detroit Symphony.

1965, 28 & 30 janvier. Detroit, Ford Auditorium. Beethoven, Concerto n° 4. Detroit Symphony. Concert enregistré.

Musique

Beethoven, Concerto n° 4 en sol majeur op. 58, dernier mouvement. Eugene Istomin, Orchestre Symphonique de Pittsburgh, Paul Paray. 12 ou 14 février 1950. La toute première collaboration d’Istomin et de Paray. Un finale étincelant, malgré la sonorité précaire des acétates originels.

 

Paray, Fantaisie pour piano et orchestre. Eugene Istomin, Orchestre Symphonique de Budapest, Jean-Bernard Pommier. Enregistré en juin 2000 à Budapest.