reinerFritz Reiner mourut d’une crise cardiaque en 1963, à l’âge de soixante-quinze ans, peu après avoir quitté le Chicago Symphony Orchestra. Istomin avait une grande admiration pour lui. Il était ébloui par la précision et la virtuosité de sa baguette, et par son économie de gestes. Il le considérait comme l’un des plus grands chefs de l’histoire, et citait volontiers les paroles de Stravinsky qui avait affirmé un jour que le Chicago Symphony était sous sa baguette « the most precise and flexible orchestra in the world ».  Dans une interview avec Antoine Livio en 1997, Istomin ajoutait : « Il avait la réputation d’être très difficile, mais il était très sympathique avec moi, et avec les jeunes. Il était très paternel. »
Istomin avait côtoyé Fritz Reiner au Curtis Institute de Philadelphie, où il enseignait la direction d’orchestre (parmi ses élèves figuraient notamment Leonard Bernstein et Lukas Foss) et où il dirigeait l’orchestre de l’Ecole. Il fut son soliste pour la première fois lors d’un des fameux concerts populaires donnés par l’Orchestre Philharmonique de New York au Lewisohn Stadium, le 27 juin 1949 (Beethoven, Concerto n° 4).

Reiner ChicagoIstomin était très souvent invité à Chicago, où il donna plus de quarante concerts entre 1944 et 1973. Il y eut trois collaborations marquantes avec Fritz Reiner, dont deux pour la seule année 1957 : le Concerto K. 271 de Mozart en mars, et le Quatrième de Beethoven en novembre (en remplacement de Robert Casadesus, malade). Il y eut surtout le Cinquième de Beethoven en avril 1961, qui fut un triomphe. Même Claudia Cassidy, l’indomptable critique du Chicago Tribune, surnommée « Acidy Cassidy » pour avoir détruit bien des carrières et notamment réussi à chasser Kubelik de Chicago, dut en convenir. Elle avait presque systématiquement démoli toutes les prestations antérieures d’Istomin et elle se préparait à faire de même. Après une première partie de concert marquée par une fabuleuse interprétation de la  Huitième Symphonie de Dvorak, elle avouait qu’elle plaignait le pauvre soliste qui allait devoir se hisser sur de tels sommets. Et elle reconnut qu’Istomin y était parvenu. Elle en oublia ses préjugés et donna libre cours à son enthousiasme : “C’était une interprétation vraiment magnifique dans le grand style classique, limpide, lyrique, puissante, pleine de vie et de savoir. Je mets le mot savoir en dernier car c’est là sa place. Connaître l’Empereur est une chose. Le partager en est une autre. »

Quelques concerts

1949, 27 juin. Lewishon Stadium. Beethoven, Concerto n° 4. New York Philharmonic.
1957, 21, 22 & 26 février. Symphony Hall. Mozart, Concerto n° 9 K. 271. Chicago Symphony.
1957, 18 mars. Milwaukee. Mozart, Concerto n° 9 K. 271. Chicago Symphony Orchestra.
1957, 28 & 29 novembre. Symphony Hall. Beethoven, Concerto n°4. Chicago Symphony. Concert enregistré.
1961, 20 & 21 février. Symphony Hall. Beethoven, Concerto n° 5. Chicago Symphony.

Musique

Beethoven, Concerto n° 4 : deuxième et troisième mouvements. Eugene Istomin, piano. Orchestre Symphonique de Chicago. Fritz Reiner. Chicago Orchestra Hall, 28 ou 29 novembre 1957.