Henry Raymont et Fidel Castro

Henry Raymont et Fidel Castro

Pour le 75ème anniversaire d’Istomin, voici ce qu’Henri Raymont lui écrivit : « Il est étonnant de voir à quel point tu n’as jamais restreint tes intérêts à la seule musique. Tu es un lecteur insatiable avec un goût raffiné pour la littérature et l’art contemporains. Wendy et moi n’oublierons jamais le soir où tu as ébloui notre fille Sarah, un écrivain en herbe, avec ta connaissance aigüe des œuvres de T.S. Eliot, Ezra Pound et Paul Bowles, et ta collection de lettres et de premières éditions »

Henri Raymond a été pour Istomin le compagnon d’inlassables discussions sur la musique et la littérature, et surtout sur la marche du monde. Il fut son complice de bien des projets à la frontière de la politique et de la musique. Ils partageaient la conviction que la culture peut être un instrument de communication très puissant, voire une arme, dans la politique internationale, dont les batailles se déroulent maintenant beaucoup plus dans les esprits, et à travers les médias, que sur les champs de bataille. 

Henri Raymont était né en Allemagne en 1927, mais ses parents avaient émigré en Argentine en 1936. Il a mené une immense carrière de journaliste, notamment pour United Press et pour le New York Times. Reconnu comme le plus grand spécialiste de l’Amérique latine, il devint même directeur du Département des Affaires Culturelles de l’Organisation des Etats Américains, qui réunit trente-cinq états des deux Amériques.   

Un des premiers dossiers qu’il suivit fut l’attribution à Porto Rico du statut d’Etat libre associé des USA. Il s’intéressa aussi à la venue de Casals à Porto Rico à la fin de l’année 1955 et au début de 1956, participant avec Abe Fortas et le gouverneur Munoz Marin à la naissance d’un Festival Casals de Porto Rico. Ce projet était complété par la création de l’Orchestre Symphonique de Porto Rico et d’un Conservatoire. Il était clair pour Raymont qu’un tel événement allait donner à Porto Rico une visibilité dont elle manquait cruellement. Il contribua d’ailleurs beaucoup, par ses dépêches et par ses articles, à faire connaître le festival dans le monde entier.

En 1961, il se trouvait en poste à Cuba et fut le premier à envoyer une dépêche annonçant le débarquement de la Baie des Cochons. Arrêté, il fut condamné à mort pour espionnage, et bientôt libéré et expulsé après une vigoureuse mobilisation de l’opinion internationale. Très proche de l’administration Kennedy, il servit de conseiller officieux dans de nombreux programmes de développement économique et culturel, comme l’Alliance pour le progrès lancée par Kennedy en mars 1961. Il fut associé aussi à la venue de Casals à la Maison Blanche en novembre de la même année.

Raymont-livreTout au long des années 60, Raymont aida Istomin dans ses contacts avec le Secrétaire d’Etat Dean Rusk et son équipe, pour tenter de les convaincre d’envoyer les plus grands artistes américains défendre l’image des USA. Ceux-ci étaient prêts à le faire bénévolement ! Cette démarche, accueillie avec intérêt par les plus hauts responsables, ne fut jamais suivie par les services administratifs englués dans leur routine.

L’attachement de Raymont à la figure de Pablo Casals et son amitié avec Istomin trouvèrent encore d’autres occasions de se manifester. En 1966, il y eut la célébration du  90ème anniversaire de Casals en présence du vice-président américain Hubert Humphrey. En 1976 pour le 100ème anniversaire de la naissance de Casals, Henri Raymont avait suggéré au Président du Mexique, Luis Echeverria, dont il était proche, de créer un Festival Casals au Mexique. Casals avait une grande affection pour ce pays qui n’avait pas accepté de reconnaître le régime de Franco (les relations diplomatiques entre les deux pays ne seront rétablies qu’en 1977) et qui avait accueilli à bras ouverts de nombreux républicains espagnols contraints de s’exiler. En 1956, Casals était allé au Mexique et avait témoigné sa gratitude. C’est également au Mexique qu’il avait choisi symboliquement de donner la première audition de son oratorio El Pessebre, point de départ d’une grande croisade pour la Paix.

Les Primeras Jornadas Internacionales Casals organisées à l’automne 1976 eurent un énorme succès et beaucoup de retentissement (lien). Eugene Istomin avait accepté d’assumer la direction artistique, et Marta Casals-Istomin la présidence d’honneur, à titre bénévole. Ils avaient fait de leur mieux pour que les Mexicains s’investissent dans cet événement et que ce soit le point de départ d’une aventure susceptible de dynamiser l’ensemble de la vie musicale mexicaine. Mais José Lopez Portillo, le président mexicain qui succéda peu après à Luis Echeverria, ne souhaita pas poursuivre et il n’y eut pas de deuxième édition du festival, au grand dam de Henry Raymont.