Gieseking Debussy pochetteEugene Istomin avait une immense admiration pour Ezra Pound et pour Céline en tant qu’écrivains, tout en trouvant leurs positions politiques totalement inacceptables. C’est un sentiment un peu semblable qu’il éprouvait pour Gieseking. Il avait découvert Gaspard de la Nuit de Ravel et certaines œuvres de Debussy à travers ses enregistrements. Lorsqu’Istomin avait donné ses premiers concerts en France, il avait été parfois comparé à Gieseking et cela l’avait choqué. La certitude, qu’il partageait avec Rubinstein, que Gieseking avait été un nazi convaincu, lui laissait un goût amer. C’est alors qu’en juin 1954, il vit Gieseking dans l’Eglise Saint-Pierre de Prades. Gieseking était venu avec quelques proches pour écouter Casals et Serkin jouer deux sonates pour piano et violoncelle de Beethoven, ainsi que l’opus 109. Gieseking avait acheté ses billets, avait assisté au concert de façon anonyme, n’avait salué personne. Istomin perçut cette démarche comme une marque de respect pour de grands musiciens dont le nazisme avait bouleversé la vie et qui avaient su ne pas dévier de leur idéal humain. Peut-être aussi comme un repentir. Il s’en sentit apaisé.