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Affiche d’Avigdor Arikha

Au début des années 80, Isaac Stern et Eugene Istomin parlèrent longuement de la façon dont ils voyaient la fin de leur carrière. Le premier avait atteint la soixantaine, le second en approchait. L’aventure du Trio, qui avait été un moment important de leur vie, était finie. Une double question se posait à eux : Que laisseraient-ils à la postérité ? Qu’auraient-ils encore plaisir à faire ? Stern réussit à convaincre Istomin d’achever l’intégrale des Sonates pour violon de Beethoven qu’ils avaient commencée en 1969, ce qu’ils firent en 1982 et 1983. Stern souhaitait continuer à faire de la musique de chambre, sans rejouer les trios qu’il avait partagés avec Istomin et Rose mais en élargissant son répertoire aux quatuors avec piano de Brahms, Schumann, Mozart, Fauré… Il voulait aussi poursuivre et intensifier ses commandes de concertos à de grands compositeurs contemporains et laisser ainsi un héritage pour les siècles à venir. Istomin, quant à lui, n’était pas tenté par de tels projets. Une idée s’imposa, née de l’éternelle pénitence des pianistes confrontés à de mauvais pianos, qui les laissent frustrés de ne pouvoir s’exprimer comme ils souhaitent. Voilà comment elle naquit…


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Istomin au début des années 80

Eugene Istomin présente le projet des tournées

« J’ai conçu l’idée d’essayer de refaire des tournées comme on en faisait autrefois avant que l’avion ne permette de traverser les continents et les océans en quelques heures ! Avant on voyageait en train ou en autobus d’une ville à l’autre, et on ne faisait pas plus de trois cents ou quatre cents kilomètres. J’ai fait ça au début de ma carrière. Tous les grands artistes passaient dans les petites villes, et les grands pianistes voyageaient avec leur piano et leur accordeur. C’était normal car, dans les petites villes, on ne trouvait pas de piano de concert en bon état. Si on avait un concert à Chicago et d’autres en Californie, les imprésarios s’arrangeaient pour trouver des concerts dans cinq ou six villes entre temps. Evidemment, aujourd’hui c’est beaucoup plus compliqué et c’est devenu très coûteux. Nous, les pianistes, nous devons nous adapter à toutes sortes d’instruments, souvent médiocres voire mauvais, même dans les grandes villes. Nous sommes les seuls dans ce cas ! Pour les pianistes sensibles et exigeants, c’est un calvaire, parfois un cauchemar. En plus, il y a de moins en moins de bons accordeurs de piano. Ce métier n’est pas valorisé comme il le devrait car il demande une compétence extrême.

Alors je me suis dit, approchant de mon soixantième anniversaire, après plus de quarante années de carrière, que soit je m’arrêtais, soit je trouvais une solution pour faire de la musique dans les conditions qui me permettent de m’exprimer artistiquement. Après une vie entière dédiée à la musique, je n’ai plus envie de me battre avec les pianos, je veux me donner et donner au public la plus grande satisfaction musicale. Et ce n’est pas possible de le faire sans un bon piano, bien préparé, que je connais parfaitement. Donc soit je m’arrêtais, soit je transportais mes pianos.

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Istomin et le camion aménagé spécialement par General Motors

Il se trouvait que, quelque temps auparavant, j’avais donné un récital à Washington au profit de la recherche médicale contre le cancer. Cet événement avait été organisé par General Motors, qui avait voulu pour cela me payer un cachet de dix mille dollars. Evidemment, je ne pouvais accepter et j’ai donné immédiatement le chèque à la fondation médicale. Imaginez, mes parents sont tous les deux morts d’un cancer, et j’aurais pu accepter un cachet… Les responsables de General Motors m’ont remercié et m’ont dit qu’ils étaient à ma disposition si j’avais besoin d’eux pour acheter une voiture ou pour quoi que ce soit. C’était très gentil mais je ne pensais pas faire appel à eux un jour. Cependant, lorsque je réfléchissais à ces histoires de transport de piano, je me suis dit que je devais les appeler. Je les ai rencontrés et leur ai demandé s’ils voyaient un intérêt pour eux de me prêter, simplement me prêter, car je n’avais besoin d’aucune autre aide, un camion qui me permettrait de transporter mes pianos. Je souhaitais emporter deux pianos de concert, l’un plus brillant pour les concertos ou les récitals dans de grandes salles, l’autre à la sonorité plus intime pour les récitals dans de plus petites salles, et un piano droit que l’on pourrait installer n’importe où pour que je travaille. J’ai ajouté qu’ils pourraient inscrire le nom de General Motors sur le camion, aux côtés du mien et de celui de Steinway, et que peut-être ils en tireraient quelque bénéfice de communication. Je leur ai dit l’intérêt de cette initiative, d’aller certes dans les grandes villes et les salles de concerts prestigieuses, mais aussi dans de plus petites qui accueillaient naguère Rachmaninov et Horowitz mais qui n’ont pas eu de récitals de piano par un artiste de premier plan, et sur un instrument qui sonne magnifiquement, depuis plusieurs décennies.

Tali Mahanor, accordeuse

Tali Mahanor, accordeuse

General Motors a été enthousiaste. Ils m’ont donné aussitôt leur accord et ils ont aménagé un camion comme je le souhaitais, climatisé, avec un hayon pour livrer le piano facilement. Je n’avais plus qu’à engager un chauffeur spécialisé dans le déménagement des pianos ainsi qu’un accordeur. C’est une accordeuse, Talli Mahanor. Elle a une oreille extraordinaire, elle est obsédée par le piano et, mieux encore, nous entendons le piano de la même façon, elle et moi. Elle ne lit pas la musique mais elle joue extraordinairement bien. Elle voyage avec le chauffeur, en avance sur moi. Et je peux jouer dans des conditions idéales. Je donne environ cinquante concerts par an aux Etats-Unis.

Pour mes autres concerts, en Asie et en Europe, je n’ai pu encore faire de même. Mais je rêve de voyager ailleurs avec mes propres pianos, peut-être pas de faire le tour du monde, c’est un peu trop flamboyant sur le plan médiatique (vous me voyez en train de traverser l’Himalaya avec des éléphants ou des lamas ?). Non, mais en revanche, j’y songe pour l’Europe. Vous savez qu’il y a une grande différence entre les Steinway américains et les Steinway de Hambourg. Autrefois, je préférais les Steinway de Hambourg, mais maintenant ce n’est plus le cas, je me suis vraiment habitué aux Steinway américains. Et ce serait de toute façon très intéressant pour le public européen d’entendre comment sonne un Steinway américain. Il faudrait même que l’on puisse entendre les deux types de piano de chaque côté de l’Atlantique. Ce projet en Europe est d’une complexité que je ne maîtrise pas encore, mais j’aimerais le faire au moins une fois, avec le même camion et avec mon accordeuse. Je le ferais sans fanfare, en toute simplicité. A mes frais bien sûr. C’est une satisfaction que je voudrais me donner à ce stade de ma carrière.” (Interview Bernard Meillat, 1988)


Les problèmes logistiques

Harold Shaw (à droite) avec Nathan Milstein

Harold Shaw (à droite) avec Nathan Milstein

Il ne suffisait pas d’une belle idée et du soutien de General Motors, encore fallait-il assumer une organisation infiniment complexe. Un premier essai avec le bureau de concerts ICM tourna à la catastrophe. Sur le conseil de son ami Peter Gravina, Istomin s’adressa à Harold Shaw, qui avait commencé sa carrière avec Sol Hurok et avait fondé son propre bureau en 1969. Il avait été, pendant plusieurs années, l’agent de Vladimir Horowitz. Shaw trouva le projet formidable et le confia à Martha Coleman, qui fit un travail remarquable, en particulier dans le Sud-Est des Etats-Unis, d’où elle était originaire. Elle avait un argument de poids : les organisateurs n’auraient pas besoin de se préoccuper de louer un piano de concert ni de trouver un accordeur, ni même de chercher un lieu pour que le concertiste puisse travailler : il pouvait emmener son piano droit dans sa chambre d’hôtel ou jouer dans le camion ! Peter Gravina, de son côté, fit de son mieux pour assurer une couverture presse digne exceptionnelle. Même la télévision s’y intéressa, CBS tournant un sujet de quinze minutes pour ses magazines. Parmi les nombreux articles publiés en amont, celui de Naomi Graffman, l’épouse de Gary Graffman, était le plus poétique et le plus pertinent. Intitulé On the Road to Biloxi, il parut dans le New York Times Magazine du 22 novembre 1987, et commençait ainsi : « Alors que l’aube commencera juste à poindre sur New York pour le Jour de l’An 1988, un camion GMC tout neuf, spécialement aménagé, roulera tranquillement vers le Sud à travers les villes endormies au bord de la Route 95. Il ira de New York à Winter Park, en Floride, transportant un précieux chargement. Maintenus à une température stable, entre 20 et 22 degrés, et à une humidité constante, deux énormes colis de deux mètres quatre-vingts reposent, blottis l’un contre l’autre, soigneusement enveloppées dans des toiles matelassées qui épousent leurs formes et les protègent des chocs. Ils pèsent chacun quelque 450 kilos et ils sont assurés pour un montant de 87 400 dollars, le prix actuel de deux pianos de concert Steinway… »


Le déclin du récital

Naomi Graffman (à gauche) avec Leon Fleisher, Gary Graffman, Eugene Istomin et Dot Fleisher, au milieu des années 50

Naomi Graffman (à gauche) avec Leon Fleisher, Gary Graffman, Eugene Istomin et Dot Fleisher, au milieu des années 50

Istomin confia à Naomi Graffman que « le récital était la chose la plus difficile qui soit pour un musicien, mais que c’était aussi la plus gratifiante ». Il ajoutait que tout le monde disait que l’ère du récital était finie, mais que lui-même était persuadé du contraire. Bien des gens tenaient le même discours dans les années 40 et 50, qu’on présentait maintenant comme le lointain âge d’or des récitals. Naomi Graffman avait mené l’enquête. Elle avait constaté que, lors de la saison 86-87, il existait 271 séries de concerts aux Etats-Unis qui présentaient des solistes. Parmi elles, 155 avaient invité un ou plusieurs pianistes. Le déclin était indéniable mais pas au point de pouvoir affirmer que le récital de piano était obsolète.

Parallèlement, les Community Concerts, qui produisaient une grande variété de programmes (du quatuor à cordes au groupe de flamenco) avait subi une déperdition encore plus considérable. Ils organisaient 10 000 concerts pour 1 200 communautés au début des années 50, et ils n’en programmaient plus que 2 000 au milieu des années 80. L’essor de la télévision y était pour beaucoup. Deux autres raisons avaient joué un rôle important : le développement des lignes aériennes avait incité les grands musiciens à courir de capitales en capitales et à négliger les petites villes ; la diffusion du microsillon avait donné le sentiment aux mélomanes que le concert n’était plus indispensable.


Un esprit militant 

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Le chargement du piano

Istomin gardait la nostalgie de ses premières tournées avec Adolf Busch, quand il parcourait l’Amérique pendant trois mois, à raison de quatre, cinq, ou parfois six concerts par semaine. Par la suite, il avait donné de longues séries de récitals dans le cadre des Community Concerts. Il ne gagnait pas beaucoup d’argent dans ces tournées, mais il y était heureux de partager la musique avec un immense public, pas toujours averti, mais souvent curieux et enthousiaste. Au moment de se lancer à nouveau dans ces tournées à l’ancienne, il considérait comme une sorte de « machisme » de n’accepter de concerts que dans des villes et des salles prestigieuses, et de presque trouver honteux de jouer dans des « trous perdus ». C’était d’ailleurs moins la faute des artistes que des imprésarios qui craignaient en acceptant des contrats hors du circuit habituel de déprécier la carrière de leur artiste en donnant à penser que leur carrière déclinait. Quant à l’existence d’un public intéressé par des récitals de piano dans de petites villes, Istomin n’avait pas le moindre doute. Il aimait rappeler qu’il y avait proportionnellement plus de gens intéressés par les concerts dans des agglomérations modestes qu’à New York !

Le problème était également économique. Les salles étaient plus petites et il n’était pas question de mettre un prix de place trop élevé. Istomin fit preuve d’une grande souplesse quant au montant de ses cachets. A Joseph McLellan, qui l’interrogeait pour le Washington Post, il répondit : « Si les petites villes ont moins d’argent que les grandes, je jouerai pour la somme qu’ils peuvent me donner, à condition que ce soit raisonnable ». Il lui arriva même de faire cadeau de son cachet pour permettre à une association de survivre. Il savait d’emblée que ces tournées ne lui rapporteraient que peu d’argent, d’autant qu’il lui fallait payer son chauffeur et son accordeuse ainsi que leurs frais. C’était le prix de son plaisir. Il disait d’ailleurs qu’il y avait de grandes chances qu’il joue mieux dans une petite ville de Louisiane ou de l’Ohio qu’à Carnegie Hall, car la pression y était moindre et lui permettait de mieux se libérer. La seule incertitude à laquelle il était confronté, c’était l’acoustique des salles. Pour lui, c’était infiniment moins grave puisqu’il pouvait compter sur ses pianos, l’un plus brillant, l’autre plus doux. Il évitait le cauchemar d’un piano éteint dans une salle très absorbante, ou d’un piano clinquant dans une salle très réverbérée. Et son clavier était parfaitement réglé…


Le récit des tournées (1988-94)

Le premier concert de la première tournée eut lieu à Winter Park, une petite ville de Floride, au Nord-Est d’Orlando, dans le théâtre du collège, le 3 janvier 1988. Il y eut ensuite une quarantaine de concerts jusqu’à la fin mars, répartis sur quinze états de l’Est et du Sud-Est des Etats-Unis. Brahms Washington 001Pour l’essentiel, il s’agissait de récitals dans lesquels Istomin alternait deux programmes. Le premier, le plus accessible, réunissait des œuvres qui lui étaient très familières : Toccata BWV 914 de Bach, deux Impromptus op. 90 de Schubert, la Sonate Waldstein de Beethoven, et une deuxième partie entièrement dédiée à Chopin. Le second, plus difficile, était entièrement nouveau pour lui, à l’exception de la Sonate en la majeur de Haydn. Il jouait ensuite la Première Sonate op. 11 de Schumann, le premier livre des Images de Debussy et un ensemble de pièces de Rachmaninov. Il lui arrivait de mixer les deux programmes. Il y eut aussi trois séries de concerts avec orchestre : deux fois le Cinquième de Beethoven à Atlanta en janvier, quatre fois le Deuxième de Brahms à Washington entre le 11 et le 16 février (avec le National Symphony sous la direction de Rostropovitch), et le Troisième de Beethoven à Savannah en mars.

Une seconde tournée, de fin septembre à fin novembre 1988, l’emmena dans le Centre et l’Ouest des Etats-Unis pour plus de vingt-cinq concerts. Commençant en Louisiane, elle remonta le Mississipi jusqu’à Memphis, obliqua vers Kansas City, redescendit vers Houston avant de se diriger vers Albuquerque et de s’achever en Californie. Là aussi, il y eut plusieurs séries de concerts avec orchestre au milieu des récitals, avec les orchestres de Baton Rouge, de Memphis et de San Diego (le Troisième Concerto de Beethoven à trois reprises, sous la direction de Bernhard Klee).

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Istomin travaillant dans le camion

De janvier à mars 1989, le camion reprit sa route pour près de trente concerts dans l’Est des Etats-Unis, incluant deux récitals sold out au Kennedy Center et à Carnegie Hall. Il y eut à nouveau trois séries de concerts avec orchestre, avec le Huntsville Symphony Orchestra en janvier, le Westfield Symphony Orchestra en février, et le Rochester Philharmonic les 9 et 11 mars (Concerto l’Empereur de Beethoven sous la direction de Jerzy Semkow). En octobre et novembre 1989, la deuxième tournée annuelle, d’une vingtaine de concerts, fit traverser tout le continent, de Philadelphie à Seattle, en passant par l’Ohio. Istomin donna deux séries de concerts avec orchestre : le Quatrième Concerto de Beethoven avec le Lehigh Valley Chamber Orchestra puis avec le Seattle Symphony sous la direction de Karl Anton Rickenbacher.

La grande tournée du début de l’année 1990 comportait une trentaine d’étapes, de fin janvier à mi-avril, et s’acheva par deux concerts avec l’Orchestre de son ancienne école, le Curtis Institute, sous la direction d’Otto-Werner Mueller. Le programme de la plupart des récitals comprenait une longue première partie dédiée à Beethoven (Fantaisie op. 77, Sonates n° 14 et 31) et une seconde plus brève, avec Schubert (Impromptus op. 90 n° 2 & 3) et Chopin (Nocturne op. 15 n° 1 et Scherzo n° 1). A l’automne, il n’y eut qu’une brève série, dans le Nord-Est des Etats-Unis, Istomin devant faire une tournée en Angleterre à partir du 15 octobre.

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L’arrivée au Kennedy Center

Pendant les quatre années suivantes, Istomin dut d’ailleurs réduire ou renoncer aux longues tournées d’automne, à la fois en raison d’engagements importants en Europe et parce que le nombre de concerts dans le centre ou l’ouest des Etats-Unis n’était pas suffisant pour organiser un circuit cohérent pour le camion. Cependant, les tournées de début d’année se poursuivaient avec une belle densité de concerts, entre vingt-cinq et trente. Ses programmes s’étaient encore enrichis et diversifié, ajoutant aux piliers de son répertoire des œuvres plus rares comme la Sonate op. 22 de Medtner ou le Prélude de Casals. La dernière tournée, entre janvier et avril 1994, l’emmena en Caroline du Nord et du Sud, en Virginie, en Pennsylvanie, dans le Tennessee, à New York et à Washington, jouant le Troisième Concerto de Beethoven au Kennedy Center et à Carnegie Hall avec le National Symphony sous la direction de Mstislav Rostropovitch.

C’est ainsi que l’aventure s’arrêta. Deux cent cinquante concerts en sept saisons, c’était déjà un succès considérable que personne n’aurait osé imaginer. Pour aller plus loin, il aurait fallu que Shaw engage aux côtés de Martha Coleman une personne mieux implantée dans d’autres régions des Etats-Unis que l’Est et le Sud-Est. Certaines institutions ont souhaité le réinviter après un premier passage, quelques-unes ont même essayé de recréer une série de récitals, mais le projet ne fut pas vraiment soutenu par le monde musical. Istomin avait lancé un appel à ses amis musiciens, leur faisant part de ses réflexions et de son expérience, leur communiquant les tarifs de location des petits camions, leur proposant de leur prêter son propre véhicule lorsqu’il ne l’utilisait pas. Tous avaient trouvé l’idée fantastique mais aucun n’avait osé se lancer. Il est vrai que c’était une bataille que Don Quichotte n’aurait pas reniée ! Istomin était bien conscient qu’il ne pourrait à lui seul changer le cours du monde musical. Il souhaitait surtout attirer l’attention sur un des dangers essentiels qui menaçaient la musique classique : la coupure avec un large public, la marginalisation de la musique vivante dans un petit nombre de lieux élitistes. Ce qu’il avait retiré avant tout de cette aventure, c’était le bonheur de jouer chaque soir sur ses pianos et de pouvoir donner au public le meilleur de lui-même.

Musique

J. S. Bach. Toccata en mi mineur BWV 914. Enregistré lors d’un récital au Théâtre des Champs-Elysées, le 2 novembre 1993

 

Beethoven. Sonate n° 14 op. 27 n° 2 « Clair de lune ». Enregistré lors d’un récital au Théâtre des Champs-Elysées, le 31 octobre 1991