Tali Mahanor, qui a grandi à Sherman, dans le Connecticut, est arrivée chez Steinway and Sons en 1978 après avoir rencontré un membre de la famille Steinway lorsqu’elle était adolescente. Elle est restée dans l’entreprise pendant six ans, apprenant, comme elle le dit, « l’art magique » de l’accord et de l’harmonisation des pianos. Aujourd’hui, le titre le plus souvent donné à celui qui prend soin des pianos est « technicien ». Tali déteste ce terme. « Je suis accordeuse de pianos », déclare-t-elle fièrement. « L’accord est l’art qui compte avant tout dans ce métier’’. L’accord, c’est l’action merveilleuse de mettre dans le bons sens ce qui allait de travers, de faire émerger la musique de la cacophonie et du chaos. » Les techniciens, dit Tali, réparent les ordinateurs ou les téléviseurs. « Technicien » est un mot sans âme, et je ne veux pas être considérée comme un être sans âme ! »

Tali a quitté Steinway en 1984 pour pratiquer son art seule et poursuivre une carrière indépendante d’accordeuse. Elle a aimablement accepté de raconter à Bernard Meillat ses souvenirs de Eugene Istomin.

La rencontre avec Eugene et Marta Istomin

J’ai rencontré Eugene et Marta pour la première fois en 1985 par l’intermédiaire d’un ami commun, Grayson Nichols, qui était un vendeur Steinway et un amoureux des pianos Steinway. Grayson possédait deux pianos de concert Steinway, le modèle « D », et avait récemment déménagé de New York à Washington D.C., sa ville natale. Il a insisté pour que je continue à m’occuper de ses deux « enfants ». Lors d’une de mes visites, il m’emmena dans le splendide appartement des Istomin sur Connecticut Avenue où Eugene avait des problèmes avec son piano. Après avoir passé la journée sur son Steinway « B », Eugene l’a essayé et s’est exclamé : « Comment va-t-on te faire pour que désormais vous preniez soin de mes pianos ? »

Ainsi commencèrent deux merveilleuses amitiés. Bientôt, Eugene s’arrêterait chez moi à New York, sur la 44ème rue, pour y travailler sur les deux pianos de concert que j’avais à l’époque. Il s’agissait de pianos Steinway qui venaient d’être retirés du département concert, le « CD-226 », que j’ai nommé « Del », et un autre , numéro de série 481868, nommé « Natasha », que j’avais acheté en juin 1983 quand je travaillais chez Steinway.

La première fois qu’il m’a demandé de m’occuper d’un piano lors d’un de ses concerts, c’était en urgence alors qu’il était à Sarasota, en Floride, en 1987. Le piano était dans un état lamentable. J’ai reçu un appel désespéré qui m’a fait annuler tous mes autres rendez-vous et prendre un avion aussitôt pour me rendre à cette salle de concert. Il y a eu d’autres événements de ce genre et bientôt j’ai voyagé pour le suivre dans de nombreux concerts. Des tournées à travers les Etats-Unis ont commencé en 1988 avec un camion spécialement conçu que General Motors avait équipé et lui avait offert. Cela nous a permis d’emmener nos propres pianos avec nous.

La curiosité d’Istomin pour le piano

Etant curieux d’à peu près tout dans la vie, Eugene s’intéressait vivement aux instruments eux-mêmes, et les appréciait en tant qu’individus. C’est ainsi qu’il s’est attaché aux différents pianos de concert Steinway que nous utilisions, et ils sont devenus des personnages importants et précieux dans notre vie, tout comme des gens. Il ne comprenait pas vraiment comment la mécanique du piano fonctionnait. Néanmoins, des initiatives telles que la lubrification avec du graphite des coussinets des touches, la torsion des cordes de basse et le laquage des marteaux étaient des procédés qui le fascinaient et l’amusaient.

Je lubrifiais les coussinets des touches depuis des années pour que l’enfoncement soit sans heurt et que le clavier soit égal. Sans cela, les touches rencontrent beaucoup de résistance. Lorsque nous jouons, nous ne nous contentons pas de déplacer les touches de haut en bas. Il y a beaucoup de mouvement latéral, ce qui exerce une contrainte sur les bagues et les fait s’user. En lubrifiant le feutre de la douille, on empêche un frottement excessif, qui donne au toucher une sensation de lourdeur et d’incohérence.

La relation entre le pianiste et l’accordeur

Je peux dire qu’aucun autre pianiste ne s’est jamais autant intéressé à moi et à mes idées, bien que j’aie emprunté des chemins aventureux et même très risqués et périlleux. Le meilleur exemple que je puisse donner est un piano avec une des plus belles sonorités parmi tous ceux que nous avons utilisés. C’était le Steinway « CD-86 », un piano fabriqué vers 1983 que j’avais découvert pour Eugene dans le département des concerts de Steinway à la fin des années 1980. Il m’avait demandé de lui trouver un piano avec un magnifique potentiel, qui lui serait alors réservé en exclusivité tout en restant la propriété de Steinway. Quand l’affaire fut conclue, il fut décidé que Steinway enverrait le « CD-86 » à mon appartement, et que nous commencerions par une série de modifications qui, espérons-le, en feraient l’instrument idéal pour Eugene. Nous avons envoyé le clavier à Wells, dans le Maine, où un vieux monsieur très habile, M. Russell Grethe, a installé des touches blanches en bel ivoire épais, d’un seul tenant. Il a aussi enlevé les touches noires en plastique et les a remplacées par des touches en ébène ancien. J’ai trouvé un ensemble de marteaux Steinway en feutre Weichert du début des années 1940. Nous avons changé la mécanique fabriquée à New York, dont certains composants étaient fabriqués en Téflon dernière génération, par une mécanique Renner qui était utilisée depuis longtemps sur les pianos Steinway fabriqués à Hambourg et qui était maintenant disponible en Amérique. Ce travail, combiné à la beauté inhérente du reste de l’instrument, donna au « CD-86 » la sonorité la plus enivrante et la plus belle qu’on puisse imaginer. Il ne s’agissait pas d’un instrument qui se distinguait par sa puissance, bien qu’il n’en manquât pas, mais par son élégance raffinée et chantante.

Les tribulations du Steinway « CD-86 »

Finalement, le moment arriva pour le « CD-86 » transformé de sortir à nouveau dans le monde. Ce fut à l’occasion des Grammy Awards en l’honneur d’Isaac Stern qui se déroulaient à New York. Eugene était en pleine tournée européenne et devenait revenir en toute hâte par le Concorde et sauter dans le Concorde suivant pour retourner en France. Les déménageurs se présentèrent au 307 East 44th Street pour emmener le « CD-86 » jusqu’à la salle. En raison de la circulation intense, ils ont dû se garer au coin de la 44ème Rue Est avec la Deuxième Avenue. Ils ont donc roulé le piano jusque-là puis l’ont placé sur le hayon élévateur du camion. Malheureusement, cette équipe d’hommes était imprudente et lorgnait les jeunes femmes, ne prêtant pas attention à leur tâche sacrée lorsque le piano s’élevait jusqu’au niveau du plancher du camion. Soudain, le chariot a été éjecté du hayon et le « CD-86 » de 500 kilos s’est écrasé dans la rue avec un bruit sourd et horrible, blessant deux des déménageurs qui se sont mis à saigner et ont dû être emmenés à l’hôpital. Dans sa chute, le piano a heurté et démoli l’avant de la voiture qui se trouvait derrière le camion. Après avoir redressé ce que j’imaginais être les ruines empaquetées du « CD-86 », j’ai immédiatement appelé Richard Probst, alors directeur du département concerts, pour l’informer de l’accident. Il m’a supplié de ne rien dire à Eugene avant que le piano arrive chez Steinway le lendemain. J’étais présente lorsque le piano est arrivé sur le quai de chargement et que la couverture matelassée, qui protège le piano quand on le déplace, était retirée, et je m’attendais à découvrir une lyre brisée. Cependant, je n’ai pas vu les ruines auxquelles je m’attendais et j’ai mis mes mains sur le clavier. A ma grande stupéfaction, le « CD-86 » n’était pas seulement apte à jouer, il avait tenu l’accord ! Le système des pédale était endommagé et le couvercle avait des marques. Ces dommages ont été réparés instantanément et le « CD-86 » a été transporté aux Grammy Awards. Je n’ai parlé de cet incident à Eugene que dix ans plus tard…

Le « CD-86 » à la fois enchanta et tortura Eugene. Ce fut une période très éprouvante pour moi, qui essayais d’apprendre et de comprendre ce que je pourrais faire pour résoudre les problèmes. La sonorité était magique et les musiciens de l’orchestre ne cessaient de remarquer sa beauté et son raffinement. Mais la mécanique Renner s’avérait tellement rapide que Eugene avait l’impression qu’il était sur des patins à roulette et qu’il risquait à tout moment de perdre le contrôle. L’impression était pire encore lorsqu’il jouait en concert, à cause de son habituelle poussée d’adrénaline. Enlever les plombs à l’avant des touches n’a fait qu’empirer les choses car si l’action est devenue plus lourde au moment de l’attaque, elle semblait ensuite beaucoup plus légère. Ce n’est que quelques années plus tard que nous avons appris que l’emplacement des articulations des tiges des marteaux Renner n’était pas tout à fait le même que pour ceux de New York. A ce moment-là, Eugene avait pris la décision déchirante de ne plus utiliser le « CD-86 », mais il ne pouvait pas se faire à l’idée de le laisser sortir de nos vies. Il s’arrangea donc pour que son ami Tom Monaghan achète le piano, le gardant ainsi proche de lui. Quelques années plus tard, nous avons pu acquérir des manches de marteaux Renner de la bonne dimension qui ont fait que l’action du « CD-86 » eut plus de corps et de substance, mais à ce moment-là le « CD-383 » avait rejoint la tournée et le « CD-86 » était installé dans la magnifique demeure de M. Monaghan. Plusieurs visites ultérieures au « CD-86 » ont permis de constater que Eugene était très satisfait du piano, les problèmes de l’action incontrôlable étant pratqiuement résolus.

Les malheurs du Steinway « CD-383 »

Trois des événements les plus dramatiques qui nous sont arrivés ont concerné le piano qui est resté le plus longtemps avec nous, le Steinway « CD-383 ». Ces événements témoignent des étonnantes qualités de robustesse des pianos fabriqués par Steinway & Sons.

Dans le premier épisode, le « CD-383 » était apporté à Carnegie Hall pour un concerto. Lors de l’installation d’un piano sur la scène, il y avait en général huit hommes pour aider – ce qui est plus que suffisant. Malheureusement, il y a eu un malentendu entre les hommes répartis de chaque côté du piano lorsque celui-ci a été retiré du chariot. Lorsque le piano n’a été soulevé que d’un côté, le désastre fut inévitable. Le piano s’est renversé et s’est écrasé violemment sur la scène. On aurait dit qu’une bombe avait explosé. Tout le monde resta silencieux, immobile, incrédule, en état de choc. J’ai observé la nuage de fine poussière qui montait du sol vers le plafond, venant du piano assassiné. J’avais cette vison d’épouvante et je me disais : « C’est le piano qui est censé produire de la belle musique dans un peu plus de deux heures ! » Après ce qui sembla être un moment d’éternité, une voix s’est fait entendre sur les talkies-walkies, qui venait des bureaux en bas : « Qu’est-ce que c’était que ça ? » Comme lors de l’incident avec le « CD-86 », j’étais plongée dans un silence paralysant. Les touches n’étaient plus à leur place, ce qui rendait la vision encore plus dramatique. Encore une fois, j’ai pensé, surtout comme il était retombé à l’envers, que nous venions de voir la ruine d’un merveilleux Steinway. Les hommes ont redressé le piano sur le côté, puis ont fixé les pieds et la lyre et ils l’ont remis à l’endroit. J’ai pu remettre les touches dans le cadre et il était jouable – mais cette fois, contrairement à l’accident du « CD-86 », le « CD-383 » était terriblement désaccordé après sa chute. C’est un miracle que le cadre n’ait pas été brisé. J’ai dû me dépêcher et faire de mon mieux pour lui permettre de faire de la musique. Les membres de l’orchestre ont commencé à arriver et faisaient beaucoup de bruit en s’échauffant. Après avoir informé Marta, nous avons discuté pour savoir s’il fallait informer Eugene. Finalement, nous avons décidé de ne rien dire et de le laisser simplement essayer le piano. Nous pouvions toujours changer et utiliser le piano de la salle qui était le « CD-385 », un piano très apprécié. Lui raconter ce qui était arrivé aurait mis Eugene au désespoir et, s’il était satisfait du « CD-383 », il ne semblait pas utile de le contrarier. Pendant le concert, l’un des unissons est devenu faux, mais il était particulièrement de bonne humeur et plein d’humour ce soir-là. Chaque fois que la vilaine note apparaissait dans le concerto, il prenait un malin plaisir à la jouer avec emphase tout en se tournant vers le public et en me regardant avec le sourire, sachant qu’il me « tuait » lentement, mais sûrement. Nous avons informé Eugene le lendemain de l’accident et il fut très contrarié.

Peu de temps après, au début de 1993, le « CD-383 » revint à Carnegie Hall pour une soirée au bénéfice d’une cause, à laquelle participaient plusieurs artistes. L’une des roulettes en caoutchouc du piano avait été endommagée au cours des nombreux déménagements de la tournée précédente et j’étais impatiente de la faire changer à l’une des escales chez Steinway. Jusque-là, rien ne s’était passé, mais lors de ce concert particulier, en raison des différents artistes, il fut nécessaire de déplacer le « CD-383 » sur et hors de la scène centrale. Juste avant l’arrivée de Tatiana Troyanos, les machinistes ont mis en place le « CD-383 ». Alors qu’ils approchaient de la bonne position, la roulette avant gauche (du côté des notes graves) s’est soudainement désintégrée, envoyant des roulements à billes qui s’envolaient dans toutes les directions. Le piano se mit à vaciller sur la lyre des pédales, tandis que des cris d’horreur étaient lancés par le public. Rapidement, deux des hommes se sont emparés de « CD-383 » tandis qu’un autre courait à la recherche d’un morceau de bois pour soutenir l’instrument estropié. Pendant ce temps, d’autres se sont mis à genoux sur la scène pour essayer de localiser tous les roulements à billes avant que la grande diva ne fasse son apparition. L’idée qu’elle glisse sur ces minuscules boules de métal était, en soi, insupportable.

Lors du troisième événement, le « CD-383 » avait été emballé dans une caisse de voyage des années 1940 spécialement conçue pour les pianos de concert modèle « D » et il avait été expédié à Paris par Air France Cargo à l’aéroport Charles de Gaulle. Une fois sorti du Boeing 737 qui faisait le transport de fret, le piano, dans sa caisse, fut laissé sur le tarmac pendant un certain temps, sous la pluie battante. Malheureusement, la vieille caisse avait beaucoup de trous et quand le « CD-383 » a été déballé et installé à Lille, de l’eau a jailli du piano. Tout le monde était horrifié, bien sûr, et j’ai été alertée lorsque je suis arrivée dans la salle. Pourtant, après avoir tout essuyé, il n’y avait pas un seul signe de dommage et le piano jouait parfaitement. Nous avons fait le tour de la France avec cet instrument. Les musiciens et les mélomanes étaient fascinés d’entendre le son d’un Steinway de New York, les Steinway de Hambourg étant ceux qui prédominaient en Europe. Le « CD-383 » a fait deux voyages en France qui ont culminé avec un concert au Théâtre des Champs-Élysées en 1993. Le troisième et dernier voyage en Europe pour le « CD-383 » fut à Budapest et à Kronberg en 2000.

Eugene Istomin en tant que personne

Bien qu’il puisse être indéniablement difficile, Eugene était peut-être la personne la plus fidèle que j’aie jamais connue et, dès cette époque, j’avais conscience que je n’aurai plus jamais cette qualité de relation avec aucun autre pianiste, ni d’ailleurs avec personne d’autre ! Pour la plupart des gens, l’idée de voyager avec ses pianos et son accordeur remontait à près de 100 ans en arrière !

Eugene m’exprimait souvent de grands regrets pour ses accès de colère vis-à-vis de personnes qui avaient organisés les concerts locaux que nous avions donnés. Il pouvait être terriblement intolérant face à la bêtise et à l’incompétence, mais il y avait des moments où j’étais persuadé qu’il allait se mettre en colère quand, au lieu de cela, il se montrait plein de patience.

L’une de mes histoires préférées met en scène un régisseur plutôt désinvolte et arrogant qui s’occupait des lumières. L’éclairage et les problèmes d’ombres sur le clavier étaient un problème très important pour Eugene. A un moment donné, cette personne s’est levée et a demandé avec suffisance si la lumière était acceptable et satisfaisante. Il était évident que l’homme anticipait le « oui » habituel aux deux questions d’acceptation et de satisfaction, qui étaient généralement considérées comme une seule et même chose. Au lieu de cela, Eugene a répondu que l’éclairage était acceptable – mais pas satisfaisant. La réponse de Eugene était si inattendue que l’éclairagiste fut vraiment déconcerté, à tel point que j’ai ressenti momentanément de la peine pour lui. C’est un exemple classique de la façon dont Eugene ne donnait pas ou ne recevait pas d’information de façon irréfléchie, comme elles sont le plus souvent communiquées et entendues par la plupart des gens, c’est-à-dire en pilotage automatique.

Je me souviens aussi du moment où j’avais annulé ma Carte Or American Express parce que la situation était devenue incontrôlable. Eugene était furieux contre moi pour ça. Il accordait beaucoup d’importance au fait d’avoir des cartes de ce genre, comme sa Platinum American Express ou d’autres cartes prestigieuses. Dans son esprit, une personne respectable avait toujours de telles cartes. S’en passer, c’était se priver d’une certaine respectabilité.

Il y avait aussi un souvenir amusant du moment où Eugene décida de conduire après être resté plusieurs années sans prendre le volant. Nous avions finalement réservé la voiture par l’intermédiaire d’une agence de location à l’aéroport d’Orlando, en Floride. Nous nous sommes assis et, pendant une quinzaine de minutes environ, nous devions à la fois trouver où la clé allait et comment fonctionnaient les pédales et le levier de vitesses. Les rétroviseurs furent minutieusement réglés et tous les boutons ont soigneusement examinés comme s’il voyait une voiture pour la toute première fois. Connaissant le manque de compréhension de Eugene pour presque toutes les choses mécaniques, j’avais peur qu’un accident soit imminent – peut-être à cause de la perspective de rouler lentement sur l’autoroute Bee Line jusqu’à la côte de Floride orientale. Au lieu de cela, une fois que nous étions sur cette autoroute, il a commencé à se sentir plus confiant, alors que nous continuions à savourer nos conversations habituelles. Soudain, j’ai pris conscience que nous dépassions tout le monde, et même s’il ne semblait pas que nous allions trop vite, nous roulions en fait à plus de 150 kms à l’heure. Je le lui ai fait remarquer, et nous avons immédiatement ralenti, mais ensuite la vitesse a recommencé à grimper. Il s’amusait bien et moi, je me laissais aller tranquillement. Marta, de nombreuses années plus tard, m’a raconté qu’il a toujours aimé la grande vitesse.

Eugene était fasciné et amusé en même temps par la culture du Sud. Souvent, nous continuions à parler pendant des jours avec les accents du sud. Il faisait la distinction entre les façons de parler des classes sociales supérieures et inférieures. Il aimait particulièrement la cuisine locale du sud dans les villes que nous traversions et prenait un malin plaisir aux plats très épicés.