Mendelssohn 3

Rudolf Serkin, le professeur d’Istomin, fut un grand défenseur de Mendelssohn. Non seulement il joua et enregistra son œuvre concertante mais, dans les années 40 et 50, il mit souvent à ses programmes des petites pièces de Mendelssohn, célèbres (le Rondo capriccioso, des Romances sans paroles) ou négligées (Fantaisies opus 16, Prélude et fugue opus 35 n° 1, Etudes…). Sous ses doigts, ces musiques ne sonnaient pas « légères », il les jouait dans un esprit tout beethovénien, avec une grande tension dramatique. Istomin fut tenté de jouer le Premier Concerto de Mendelssohn. Il était amoureux des deux premiers mouvements, mais le finale, qu’il trouvait trop brillant, trop extérieur, lui restait étranger. Il hésita pendant plusieurs années, puis renonça.

Mendelssohn Trio n°2En revanche, le Premier Trio de Mendelssohn fut au cœur de son répertoire de musique de chambre pendant plus de 20 ans. Il le joua pour la première fois en 1955, au Festival de Ravinia, lors de la première apparition publique du Trio Istomin-Stern-Rose. A partir du moment où les trois musiciens officialisèrent leur formation, en 1961, ils gardèrent l’œuvre à leur répertoire et l’enregistrèrent en 1966. Istomin ne fut pourtant jamais complètement satisfait de cette interprétation. Peut-être gardait-il le souvenir d’un concert de 1959, au Festival de Porto-Rico, où Casals, Stern et lui-même avaient donné des interprétations magiques des premiers trios de Mendelssohn et de Brahms.
Istomin, Stern et Rose n’ont abordé le Deuxième Trio de Mendelssohn qu’au milieu des années 70. Ce sera d’ailleurs leur ultime enregistrement, en juillet 1979. Et cette fois, Istomin s’avoua vraiment très heureux, tant de sa propre performance comme de celle de ses partenaires. Il trouvait d’ailleurs que cette partition ne méritait pas d’être laissée dans l’ombre par le succès du Premier Trio, plus extraverti mais moins émouvant. D’ailleurs Leonard Rose écrivit à Istomin en août 1981 : “Je ne peux m’empêcher de t’écrire, aussitôt après avoir écouté le Trio de Mendelssohn en ut mineur. Notre interprétation rayonne d’un bout à l’autre, c’est magnifique, c’est habité ! Je tiens à te dire combien j’ai été bouleversé par ton jeu, par ta fantastique maîtrise technique et par ton inventivité musicale si émouvante.»

La Romance sans paroles en sol majeur opus 62 n° 1 de Mendelssohn, surnommée Brise de mai était un des bis préférés d’Istomin dans les dernières années de sa carrière. Sa sonorité y est reconnaissable entre toutes, avec son art de faire chanter le piano, de donner l’impression d’un legato parfait, tout en attaquant chaque note séparément…

Musique

Felix Mendelssohn. Trio en ré mineur op. 49 : premier mouvement

Eugene Istomin, piano. Isaac Stern, violon; Pablo Casals, violoncelle. Théâtre de l’Université de San Juan, Porto Rico, 2 mai 1959

Felix Mendelssohn. Romance sans parole op. 62 n° 1.

Eugene Istomin, piano. Théâtre des Champs-Elysées, 2 novembre 1993